Lanthier c. R.
Requête pour permission de présenter une preuve nouvelle. Accueillie. Appel d'une déclaration de culpabilité. Rejeté.
L’appelant se pourvoit à l'encontre un jugement de la Cour du Québec l’ayant déclaré coupable d’avoir intimidé des personnes associées au système judiciaire (2 agents des services correctionnels) et d’avoir proféré des menaces de causer la mort ou des lésions corporelles à ces mêmes personnes. Les infractions ont eu lieu alors qu’il était détenu dans un établissement carcéral. L’appelant, qui était alors en isolement, était révolté par la décision des victimes de couper l'alimentation en eau de sa cellule, prise en raison de son refus de s'alimenter dans le contexte de revendications sanitaires de sa part. Il a proféré des menaces. Un enregistrement vidéo pris à partir de la caméra de surveillance installée dans sa cellule montre également certains gestes violents de l’appelant. Le juge de première instance a rejeté une demande d’arrêt des procédures fondée sur la destruction d’enregistrements vidéo par les autorités carcérales.
Concernant l’arrêt des procédures, l’appelant voulait présenter la vidéo du corridor attenant aux cellules pour démontrer que, lorsqu’il a fait le geste de trancher la gorge, ce n’était que pour répéter le même geste que venait d’effectuer l'une des 2 victimes qui se tenait à l’extérieur de la cellule. Or, d’une part, il peut paraître douteux qu’il s’agisse d’un argument valable. D’autre part, cet argument fait peu de cas de la description donnée par l’autre victime en ce qui concerne l’impossibilité de capter les images des événements survenus sur le pas de la porte (en raison de la configuration du couloir) de même que les paroles.
L’arrêt des procédures constitue un remède exceptionnel. Vu les conclusions du juge en ce qui a trait au peu d’importance de l’information contenue dans les enregistrements du couloir, la question de l’équité du procès et de la violation au droit à une défense pleine et entière ne se pose pas.
La Cour ne croit pas non plus que la destruction des enregistrements entre dans la catégorie résiduelle (laquelle exige que la situation soit susceptible de miner l’intégrité du processus judiciaire). Il n’existe aucune preuve que les victimes se seraient plaintes en représailles aux dénonciations de l’appelant ou auraient agi de manière à retarder le processus pour atteindre les 30 jours de conservation des enregistrements. L’équité du processus judiciaire n’est pas atteinte.
En l'espèce, les demandes de conservation des enregistrements avaient un objectif portant essentiellement sur les conditions de réclusion; leur conservation n’aurait pas eu de conséquences véritables sur le litige, qui se situe ailleurs, c’est-à-dire les propos et la conduite de l’appelant envers les agents, notamment dans sa cellule. Il ne s’agit donc pas de l’un des cas les plus manifestes pouvant justifier l’arrêt des procédures.
Quant à la culpabilité sous les chefs de menaces, le juge a pris en considération l’état de colère et de frustration dans lequel l’appelant se trouvait, mais a jugé que ce contexte, en plus de constituer le mobile, permettait d’inférer, en l’absence d’explications, l’intention de ce dernier que ses menaces soient prises au sérieux. Le juge pouvait aussi raisonnablement conclure que le geste de trancher la gorge visait les 2 agents. Par ailleurs, le contexte dans lequel les paroles de l’appelant ont été tenues et le sens des mots qu’il a utilisés démontrent clairement qu’ils pouvaient constituer des menaces de lésions corporelles, et non seulement de poursuites judiciaires.
En ce qui concerne les chefs d’intimidation d’une personne associée au système judiciaire, la mens rea de cette infraction est à double volet. Le juge a conclu à l’existence d’une preuve démontrant non seulement l’intention de l’appelant de provoquer la peur chez les agents, mais aussi son intention de nuire à l’exercice des attributions de ces derniers. Cette conclusion repose sur une interprétation raisonnable de la preuve. Enfin, que les agents aient été ou non dans l’exercice de leurs fonctions n’est d’aucune importance.
Texte intégral de la décision : http://citoyens.soquij.qc.ca