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Lakehal c. R.

Pénal – peine – homicide involontaire coupable – vol qualifié avec usage d’une arme à feu – verdict de culpabilité – directives du juge au jury

Appel de verdicts de culpabilité. Rejeté. Requêtes en autorisation d'appel de la peine. La requête de la poursuite est accueillie et celle de l'accusé est rejetée. Appel de la peine. Accueilli. Requête pour preuve nouvelle. Déclarée sans objet.

L'accusé se pourvoit à l'encontre de 3 verdicts de culpabilité prononcés pour 2 homicides involontaires coupables et un vol qualifié avec usage d’une arme à feu. L'accusé et 2 autres assaillants (Dalisma et Jasmin) s'étaient livrés à une violente invasion du domicile d'un narcotrafiquant (Arbour) dans le but de voler de la drogue. Dalisma et Arbour avaient été tués par des projectiles d'arme à feu. La poursuite demande aussi l’autorisation de se pourvoir contre la peine totale de 7 ans d’emprisonnement infligée à l'accusé.

Appel des verdicts

L’ensemble des éléments de preuve permettait au juge de conclure à la vraisemblance de la thèse selon laquelle l’accusé était l’auteur principal des homicides. Le juge n'a pas erré en présentant au jury ce mode de participation à l'infraction. Par ailleurs, même si les directives auraient pu être plus concises (95 pages et 5 heures de lecture), elles ont atteint leur but. L'argument selon lequel le juge aurait dû présenter au jury ses directives sur le vol qualifié avant celles portant sur l’homicide involontaire coupable n'est pas retenu non plus.

Appel des peines

Le juge a commis une erreur de principe en considérant l’intoxication de l'accusé comme étant un facteur atténuant. La fine nuance entre le fait d’être conscient d’un risque de lésions - comme l'a conclu le juge - et celui d’être conscient d’une probabilité de lésions, n’a pas lieu d’être en l’espèce, la preuve n’autorisant pas ce niveau de déduction. La Cour retient la détermination du juge selon laquelle l’accusé avait un état de conscience suffisant pour lui permettre de comprendre un danger éventuel de lésions corporelles graves liées à sa participation dans le projet, ce qui suffit pour exclure l'intoxication de la liste des facteurs atténuants. La preuve ne contient aucun indice suggérant que l'accusé aurait été surpris par l’effet de sa consommation au point de sous-estimer la gravité de ses gestes; elle ne recèle aucun comportement instable ou aberrant de la part de l'accusé non plus. Bien au contraire, il semble que ce dernier a toujours été en mesure de se coordonner avec les autres participants tout au long de l’exécution du projet.

Le juge a également erré en concluant à l'absence de preuve de violence distincte de celle dite intrinsèque aux infractions. Cette affirmation est contredite par sa conclusion selon laquelle l’invasion du domicile constitue un facteur aggravant. Il s'est aussi trompé en retenant qu'Arbour n'avait pas d'autre blessure que celles occasionnées par les tirs. Ses ecchymoses démontrent que, avant les tirs, des gestes de violence avaient été commis à son endroit. La conclusion du juge fait aussi abstraction de l’élément de planification qui rendait encore plus prévisible le risque de lésions corporelles. Aussi, la force du nombre - 3 assaillants surgissant ensemble dans un appartement pour s’en prendre à l’occupant - constitue un élément important de violence. Le juge a estimé qu’il n’y avait pas de preuve hors de tout doute raisonnable que l'accusé avait incité le tireur à faire feu ou que lui-même était le tireur. Il demeure qu'il a retenu la présence d’une arme à feu à la connaissance de l'accusé. Le juge a accepté de considérer comme un facteur aggravant le nombre de victimes. Cette seule détermination l’obligeait à se tourner vers la cause des 2 décès pour apprécier la violence d’une agression marquée par 4 ou 5 coups de feu tirés à répétition. De plus, le traumatisme subi par la conjointe d'Arbour - que le juge a retenu - est directement proportionnel à la violence de l’attaque à laquelle elle a assisté.

Il a aussi erré en renonçant à considérer les conséquences sur les proches des victimes. Il ne s’agit pas en l'espèce de considérer à titre de facteur extrinsèque l'un des éléments constitutifs des infractions, mais plutôt de déterminer si la preuve de la douleur des victimes est suffisante pour constituer un facteur aggravant.

Même si la peine de 7 ans d’emprisonnement n’est pas manifestement non indiquée, il demeure que 3 erreurs de principe, dont 2 ayant eu une incidence sur la détermination de la peine, ont été démontrées. Ces 2 éléments sont: le facteur neutre relatif à l’intoxication, qui n’aurait pas dû être rangé parmi les facteurs atténuants, et la douleur des proches, un facteur aggravant omis par le juge. Cela dit, l’ajustement à la hausse de la peine doit être modéré par le choix justifié du juge de considérer l’âge de l'accusé à titre de facteur atténuant important. La reconsidération en appel de ces facteurs milite pour un ajustement à la hausse de la peine. La suggestion de la poursuite d’établir la peine à 8 ans place celle-ci au milieu de la fourchette des peines applicables tout en demeurant éloignée de sa partie supérieure, comme l’avait décidé le juge. Cette suggestion constitue un minimum au regard des faits de l’espèce et de la jurisprudence. La Cour y adhère tout de même.

 

Texte intégral de la décision : http://citoyens.soquij.qc.ca