Historique et compétence
Historique de la Cour d’appel
La Cour d’appel du Québec existe depuis 1849..
C’est le 30 mai 1849, sous le règne de la reine Victoria (20 juin 1837 – 22 janvier 1901), que fut sanctionné l’Acte pour établir une cour ayant juridiction en appel et en matière criminelle pour le Bas-Canada.
La Cour s’appelait alors la Cour du Banc de la Reine et se composait de quatre juges, incluant le juge en chef.
Avant 1840, les appels des décisions de la Cour du Banc de la Reine, laquelle était un tribunal de première instance à l’époque, étaient entendus par le Gouverneur et son Conseil.
À compter de 1840, et jusqu’à la création d’une véritable cour d’appel en 1849, les appels étaient entendus par une formation de trois juges du même tribunal de première instance, dont le juge en chef.
Cette réorganisation judiciaire eut lieu sous l’influence déterminante, entre autres, de Louis-Hippolyte La Fontaine (1807-1864), lui-même avocat, puis Premier ministre de la province du Bas-Canada et du Canada-Uni de 1842 à 1843 et de 1848 à 1851.
La Cour d’appel sera connue sous l’appellation de la Cour du Banc de la Reine (ou du Roi, selon le monarque à la tête du Royaume-Uni) pendant 125 ans. En effet, ce n’est qu’en 1974, avec l’adoption de la Loi modifiant la Loi des tribunaux judiciaires et certaines autres dispositions législatives ayant trait à l’administration de la justice et aux bureaux d’enregistrement, L.Q. 1974, c. 11, que la Cour du Banc de la Reine prit son nom actuel de Cour d’appel du Québec.
À l’origine, les juges de la Cour du Banc de la Reine, en plus d’être juges d’appel, étaient investis d’une compétence criminelle de première instance. Cette situation durera 71 ans, jusqu’à ce que la Cour supérieure se voie confier cette compétence (Loi relative à l’organisation et à la compétence des tribunaux de juridiction civile et à la procédure, en certains cas, S.Q. 1920 (10 Geo. V), c. 79, sanctionnée le 14 février 1920).
La Loi constitutionnelle de 1867 prévoit, à son article 92, paragraphe 14, que les provinces ont autorité sur « [l’]administration de la justice dans la province, y compris la création, le maintien et l’organisation de tribunaux de justice pour la province, ayant juridiction civile et criminelle ». Par ailleurs, c’est l’État fédéral qui nomme les juges des cours supérieures (dont les juges de la Cour d’appel du Québec) et qui voit à leurs salaires, allocations et pensions (articles 96 et 100 de la Loi constitutionnelle de 1867).
On ne peut raconter l’histoire de la Cour d’appel du Québec sans souligner quelques statistiques quant aux juges qui y ont siégé depuis 1849 :
Statistiques |
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Depuis le 10 juin 2020, la Cour d’appel est dirigée par une juge en chef, l’honorable Manon Savard. La juge Savard est la vingt-et-unième personne à occuper ce poste depuis 1849.
Depuis 1908, le juge en chef de la Cour d’appel du Québec porte également le titre de juge en chef du Québec.
La juge en chef est assistée, dans la gestion des affaires de la Cour pour le siège d’appel de Québec, d’une juge coordonnatrice en poste à Québec. La juge Suzanne Gagné agit à ce titre depuis juin 2022.
Pour assurer la bonne expédition des affaires de la Cour d’appel, la juge en chef peut demander au juge en chef de la Cour supérieure de désigner un ou plusieurs juges de cette cour pour siéger à la Cour d’appel comme juge ad hoc, c’est-à-dire de façon temporaire, pour une période définie. Le juge ad hoc a tous les pouvoirs et exerce tous les devoirs d’un juge de la Cour d’appel.
Le nombre de juges fut augmenté à 5 en 1857, à 6 en 1881, à 12 en 1920, à 15 en 1970, à 16 en 1977, à 19 en 1989, à 20 en 1991, à 22 en 2016 et enfin à 24 juges en 2023. Bien que la Loi sur les tribunaux judiciaires prévoie que la Cour est composée de 24 juges (23 juges puînés et un juge en chef), le nouveau poste au siège de Québec créé en 2023 n’est pas comblé. Par conséquent, la composition de la Cour est de 22 juges puînés et d’un juge en chef. À ce nombre, il faut ajouter les juges surnuméraires, dont le nombre ne peut pas dépasser 20, mais qui, dans les faits, varie selon les années.
Le juge surnuméraire est un juge de la Cour d’appel qui a choisi d’abandonner ses fonctions judiciaires normales afin de poursuivre sa carrière, jusqu’à la retraite, comme juge surnuméraire, bénéficiant ainsi d’une charge judiciaire allégée. Le surnumérariat est autorisé depuis le début des années 1970 avec l’entrée en vigueur des lois suivantes : au fédéral, la Loi modifiant la Loi sur les juges et la Loi sur l’administration financière, S.C. 1970-71-72 (19-20 Eliz. II), c. 55, art. 6 et la Loi modifiant la Loi sur les juges, S.R.C. 1970 (2e supp.), c. 16, art. 5 et à Québec, la Loi modifiant la Loi des tribunaux judiciaires, L.Q. 1972, c. 11, art. 1. Ce n’est cependant qu’en 1980 qu’un premier juge de la Cour d’appel opta pour ce régime.
Finalement, soulignons que la Cour d’appel du Québec occupe ses locaux actuels à Montréal, l’Édifice Ernest-Cormier, depuis l’été 2004. La première audition s’y est tenue le 11 août 2004 devant un juge seul et quelques jours plus tard, le 16 août 2004, devant une formation.
Quant à ses locaux actuels à Québec, la Cour y a emménagé dès l’ouverture du Palais de justice de Québec en 1983.


Compétence de la Cour d’appel
La Cour d’appel du Québec est le tribunal général d’appel pour le Québec.
Sa compétence est très vaste puisqu’elle entend l’appel de tout jugement sujet à ce recours, dans toute l’étendue du Québec et dans toutes les matières, à moins que cet appel ne relève de la compétence d’un autre tribunal.
Le droit d’appel est une création statutaire et il n’existe que dans la mesure où un texte de loi le prévoit expressément. Il n’y a pas d’appel sans texte. Le droit d’appel découle donc d’abord et avant tout d’un choix législatif. Le caractère final des jugements, la nécessité de mettre un terme aux litiges dans des délais raisonnables et les coûts afférents au processus judiciaire militent en faveur de limites au droit d’appel.
Contrairement aux cours supérieures de première instance dont les juges sont nommés par l’État fédéral en vertu de l’article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867, les cours d’appel canadiennes n’ont aucune compétence inhérente leur permettant de créer des appels.
Il est donc erroné de dire et de croire qu’il existe toujours un moyen de faire appel de la décision d’un tribunal de première instance. Il n’existe pas de droit d’appel sur une question donnée, sauf si le législateur compétent l’a prévu.
Le droit d’appel est, selon les circonstances, de plein droit ou assujetti à une autorisation préalable. Il faut, dans chaque cas, s’en remettre au texte de loi qui prévoit le droit d’appel.
Généralement, dans la mesure où le texte de loi prévoit un droit d’appel, la Cour d’appel exerce ses fonctions et joue son rôle de première juridiction d’appel à l’égard des dossiers déjà constitués, plaidés et décidés en première instance, dans toutes les matières. Il arrive parfois que la Cour d’appel constitue un deuxième niveau d’appel. C’est notamment le cas en matière d’infractions créées par la législation et la réglementation québécoises, le Code de procédure pénale du Québec prévoyant un premier appel, de plein droit, à la Cour supérieure du Québec.
La Cour intervient pour examiner et, le cas échéant, pour réformer les décisions soumises à son examen. La Cour ne se prononce pas dans l’abstrait. Elle ne donne pas d’opinions théoriques, sauf le cas particulier des renvois ordonnés par l’autorité provinciale en vertu de la Loi sur les renvois à la Cour d’appel, RLRQ, c. R -23.
La Cour d’appel a toujours eu deux sièges, à Montréal et à Québec, où elle tient toutes ses auditions, comme la loi l’exige.
Règle générale, la Cour d’appel exerce sa compétence en formation de trois juges, mais, dans les cas où elle le juge à propos, la juge en chef peut augmenter ce nombre, généralement à cinq. Le Code de procédure civile ne prévoit pas de nombre maximum. Il n’est pas impossible d’imaginer un cas où la juge en chef demanderait à tous les juges de la Cour de siéger. La Cour siégerait alors in banco, mais cela ne s’est jamais produit dans l’histoire récente de la Cour d’appel du Québec.
Dans la mesure du possible, les formations sont composées de juges d’appel provenant des deux sièges d’appel. L’objectif est simple : permettre aux juges des deux sièges d’appel de travailler ensemble et éviter que ne se développent, au fil du temps, deux façons différentes de faire les choses, l’une à Montréal, l’autre à Québec.
Chaque formation est présidée par le juge qui a le plus d’ancienneté à la Cour, avec, à sa droite et à sa gauche respectivement, le deuxième juge avec le plus d’ancienneté à la Cour et le juge qui en a le moins. Lorsque la juge en chef fait partie de la formation, c’est toujours elle qui préside.
Le Code de procédure civile et plusieurs lois particulières, tant provinciales que fédérales, confient à un juge de la Cour d’appel siégeant seul une compétence (concurrente avec celle de la Cour siégeant en formation) sur certaines matières, par exemple, la permission d’interjeter appel, la mise en liberté d’un appelant pendant l’appel ou la gestion de l’instance en appel.
En matière civile, la Cour d’appel du Québec entend les appels des jugements finals de la Cour supérieure et de la Cour du Québec, de plein droit, lorsque la valeur de l’objet du litige en appel est de 60 000 $ ou plus, ou sur permission dans certains cas (par exemple, en matière de pourvoi en contrôle judiciaire ou d'exécution).
La Cour entend également l’appel de plusieurs catégories de jugements de la Cour supérieure où une valeur pécuniaire n’est pas directement en jeu.
Il convient d’ajouter à cette liste les jugements finals de la Cour du Québec dans les causes où ce tribunal exerce une compétence qui lui est attribuée exclusivement par une autre loi que le Code de procédure civile, les jugements finals rendus en matière d’outrage au tribunal pour lesquels il n’existe pas d’autres recours, les jugements ou ordonnances rendus en matière d’adoption, et les jugements finals en matière de garde en établissement et d’évaluation psychiatrique.
En matière civile, les jugements rendus en cours d’instance, avant le jugement qui met fin à l’instance, sont également sujets à appel, mais sur permission seulement, à une exception près. En effet, le jugement qui rejette une objection à la preuve fondée sur le devoir de discrétion du fonctionnaire de l’État ou sur le respect du secret professionnel est sujet à un appel de plein droit (art. 31 C.p.c.).
En matière criminelle et pénale, la Cour d’appel du Québec a compétence pour entendre les appels de verdicts et de peines tant en vertu du Code criminel fédéral qu’en vertu du Code de procédure pénale provincial.
La liste des lois fédérales et provinciales qui, en plus du Code de procédure civile, du Code criminel et du Code de procédure pénale, prévoient un droit d’appel, de plein droit ou sur permission préalable, selon les circonstances, est longue. Elle témoigne éloquemment de la grande variété de sujets dont les juges d’appel sont appelés à traiter durant leur carrière :
- Loi sur le divorce
- Loi canadienne sur les sociétés par actions
- Loi sur la faillite et l’insolvabilité
- Loi sur les liquidations et les restructurations
- Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies
- Loi canadienne sur les coopératives
- Loi sur la protection de l’assurance hypothécaire résidentielle
- Loi sur les associations coopératives de crédit
- Loi sur les banques
- Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt
- Loi sur les sociétés d’assurances
- Loi électorale du Canada
- Charte des droits et libertés de la personne
- Loi sur la protection de la jeunesse
- Loi sur les valeurs mobilières
- Loi sur les mines
- Loi concernant l’expropriation
- Loi sur la Commission municipale
- Loi sur la liquidation des compagnies
- Loi sur l’administration fiscale
- Loi sur l’impôt minier
- Loi sur les biens non réclamés
- Loi sur l'encadrement du secteur financier
- Loi sur les entreprises de services monétaires
- Loi sur les instruments dérivés
Toute personne comparaissant devant la Cour d’appel du Québec peut s’adresser à ses membres dans l’une ou l’autre des deux langues officielles du Canada.
Au terme de ses auditions, la Cour d’appel peut rendre sa décision séance tenante (en prononçant de courts motifs qui seront la plupart du temps, mais pas toujours, portés au procès-verbal d’audience ou en inscrivant les conclusions au procès-verbal d’audience, avec motifs à suivre au cours des jours suivants) ou mettre l’affaire en délibéré. Il arrive également, mais moins souvent, que la Cour ajourne l’audition de quelques jours (par exemple, du mardi au vendredi matin de la même semaine), auquel moment elle fera connaître sa décision ou mettra l’affaire en délibéré.
La Cour suprême du Canada peut autoriser le pourvoi d’une décision de la Cour d’appel du Québec. La plus haute instance du pays n’autorise qu’une dizaine de pourvois en provenance du Québec chaque année. C’est dire que dans la très vaste majorité des cas, la Cour d’appel du Québec décide en dernier ressort des affaires portées devant elle. Exceptionnellement, en matière criminelle, certaines décisions de la Cour d’appel sont portées en appel de plein droit à la Cour suprême du Canada.
La Cour d’appel du Québec siège de façon continue depuis 1849. Son engagement envers les notions d’indépendance et d’impartialité judiciaires, ainsi que ses efforts soutenus pour assurer l’accès à la justice, en font aujourd’hui l’un des piliers de la primauté du droit au Québec.